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Haies, lisières et prairies diversifiées


Un constat général

Multiplier les insectes, c’est aussi multiplier les insectivores (oiseaux, mammifères, batraciens, autres insectes...). Pour nourrir les insectes, outre le pollen, il existe plus de 450 plantes mellifères dans nos contrées. La raréfaction de la nourriture amène la raréfaction des insectes et actuellement l’été n’offre plus de nourriture aux insectes nectarivores, les espèces qui se reproduisent à cette époque sont les premières à disparaitre.

La cause première est l’évolution de l’agriculture. Par exemple, en Nord-Pas-de-Calais les cultures représentent 70 % des surfaces (40 % en Wallonie) et elles ont donc, tout comme les surfaces urbanisées, un impact important sur la faune. « Jadis », le fumage et les cycles de cultures appauvrissaient et enrichissaient le sol ; aujourd’hui, l’enrichissement n’est plus que chimique. Une vie sauvage, qui jusqu’aux années 1950 s’était adaptée aux cycles de l’homme, a été perturbée. La raréfaction des surfaces de légumineuses, la disparition des haies et talus, les fossés broyées ou traités, les prairies trop riches dans lesquelles l’herbe pousse trop vite pour laisser la place aux fleurs, et l’augmentation de la surface des parcelles causent l’éloignement croissant et parfois fatal entre les lieux de nidification et la nourriture. Un champ de dizaines d’hectares peut être pour certaines espèces un désert sans fin à traverser.

Le monde agricole en prend conscience et l’évolution est en cours avec diverses méthodes agri-environnementales (MAE) suscitées par l’Europe ou par l’action des collectivités. Ainsi apparaissent des jachères apicoles et les jachères fleuries, le fauchage des bords de routes au lieu du broyage, des bandes enherbées le long des cours d’eau, etc. Malheureusement, une partie des mesures peut être appliquée par opportunisme économique plus que par conviction.

En France, le ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche et le secrétariat d’État chargée de l’Écologie, ont lancé, dans le cadre de l’ « Année internationale de la biodiversité » en 2010, un premier Concours agricole national des prairies fleuries. Le concours mobilise des parcs naturels régionaux et nationaux et près de 300 exploitations agricoles an liaison avec des Chambres d’agriculture, des syndicats d’AOC fromagères, des syndicats d’apiculture, et des associations de gestion et de protection de la nature.

À la différence des jachères fleuries, qui sont semées sur des terres non exploitées, les prairies fleuries sont des herbages naturellement riches en espèces destinés à la production de fourrage. Le concours récompense au niveau local et national les exploitations agricoles dont les prairies présentent le meilleur équilibre entre valeur agricole et valeur écologique. Les lauréats sont désignés sur des critères d’agronomie, de qualité fourragère, de botanique, de phytosociologie, d’apiculture, d’entomologie et de faune sauvage.

En ville

La ville a remplacé la campagne, ou plutôt, sans réellement évoluer, elle a gardé plus de milieu diversifiés que le monde agricole hors villages. L’aspect le plus voyant est l’arrivée croissante en milieu urbain d’oiseaux comme la pie dont la population globale a pourtant chuté. Les lisières de forêts sont rares, les haies ont quasiment disparu. Ces milieux, comme les espaces de transition entre parcelles qui diminuent avec l’accroissement des surfaces de celle-ci, étaient les plus riches en faune. On les retrouve transposés, un peu différemment, en ville et surtout en périphérie. Le paradoxe actuel est que les espaces urbanisés offrent, souvent involontairement, plus de possibilité pour une partie de la faune et de la flore sauvage de survivre : arbres divers, haies variées, prairies non traitées, arbustes et vivaces en relative profusion, friches urbaines.

Des propositions

Pour favoriser le maintien des espèces pollinisatrices, en milieu rural comme en milieu péri-urbain et urbain, il faut assurer la diversité des sources de nourriture.

Les prairies

La diversité des espèces végétales doit être adaptée aux espèces d’insectes et à leur besoin sur la durée de l’année, notamment de juillet à la fin de l’été. Cette période est la plus cruciale pour beaucoup d’espèces menacées comme certains bourdons dont le vol nuptial se déroule à ce moment là. Le Livret de l’agriculture « Abeilles sauvages, bourdons, ... » préconise des lanières fleuries d’au moins 6 mètres de large soit bien plus que beaucoup des parterres fleuris créés par les communes. De même les vivaces et bisannuelles sont bien plus utiles que les annuelles. Ces dernières assurant toutefois un bon fleurissement l’année d’installation. Malheureusement, trop de prairies ou lanières fleuries sont renouvelées chaque année au détriment des espèces végétales bisannuelles ou vivaces. Il vaut mieux faucher une fois (fin septembre) ou deux (début juillet et fin septembre) ; à au moins 10 cm de hauteur (préservation des nids de bourdon, des chrysalides, etc. ; et exporter les végétaux fauchés. En effet, les plantes offrent couvert mais aussi gite à une faune variée qu’il est inutile d’exterminer après avoir tenté de favoriser ou protéger.

Les espèces, locales, culturales ou bien messicoles (c’est à dire les plantes comme le coquelicot, le bleuet, accompagnant traditionnellement les cultures), devront comporter des fabacées, des astéracées « carduées » (groupe englobant notamment beaucoup des chardons), des borraginacées. Ce sont en priorité : :

  • pour les fabacées (légumineuses), les trèfles blanc (commun), violet (des prés), incarnat (en variété sauvage non horticole), le lotier corniculé, le sainfoin, les gesses, la vulnéraire, la vesce à épi, les luzernes
  • pour les astéracées (surtout « carduées » ou « tubuliflores », appréciées aussi de nombreux oiseaux du jardin), les centaurées (genre des bleuets et de certains chardons), le cirse laineux, le cardon, le chardon penché
  • pour les autres astéracées, la chicorée sauvage, le léontodon varialbe, la tanaisie, l’achillée, la grande marguerite, l’épervière piloselle, le salsifis des prés, les picris, les laitues, l’eupatoire, le tournesol...
  • pour les apiacées (ombellifères), la carotte sauvage, la panais, la berce, le panicaut (sorte de chardon), les angéliques, le cerfeuil sauvage, le grand boucage, le fenouil...
  • pour les lamiacées (labiées), l’origan (au nectar très apprécié des bourdons, abeilles et papillons), la brunelle, la bétoine, la ballote, les sauges, les lamiers, le clinopode, la germandrée scorodoine (ou sauge des bois, moins connue que la germandrée petit-chêne), sariette annuelle.
  • pour les borraginacées, la vipérine, la bourrache (annuelle), les consoudes.
  • pour les autres familles, les cardères, la knautie des champs, la scabieuse, la mauve musquée, le millepertuis, les compagnons, les épilobes, les campanules, les géraniums, les résédas, les renoncules, l’onagre, les crucifères annuelles (colza, moutarde, radis, navette), la phacélie, le coquelicot.

Plus que multiplier à outrance, il vaut mieux favoriser et maintenir les végétaux ci-dessus lorsqu’ils sont déjà naturellement présents. Cette diversité ne profitera pas qu’aux pollinisateurs mais aussi à toute une faune : araignées, papillons, coléoptères, etc. et aussi aux animaux, notamment oiseaux et insectes auxiliaires des cultures, qui s’en nourrissent.

Les jardins aussi peuvent participer, avec arbustes et vivaces (rosiers rustiques, lamiacées comme origan, sauges, menthes, lavandes...) et pour les premières espèces du printemps avec les fleurs de saule et avec le lierre pour les espèces actives en fin d’année. Si beaucoup d’insectes vivent dans le sol ou les herbes, d’autres apprécient le vieux bois, les troncs creux.

Les haies et lisières

Hors ces installations, il ne faut pas oublier les haies et les lisières de haies, les talus et fossés et ne pas hésiter à sauvegarder des espaces de ronce (une des principales sources de nectar pour les miels régionaux et le refuge de nombre insectes et oiseaux).

Les arbres fruitiers vont favoriser les insectes pollinisateurs et d’autres arbres leur sont utiles : saules, érables, tilleuls. Évidemment, c’est avec une haie diversifiée accompagnée d’arbustes à petits fruits, de vivaces diverses régionales et parfois ornementales qu’on les aidera le plus par la multiplication des périodes de floraison et des abris. : berbéris, prunellier, saule marsault, groseillier à leur, groseilliers à fruits et cassissier, framboisier, sureau, etc.

Il est intéressant de créer une transition entre une haie et une pelouse par des massifs de vivaces, bisannuelles et bulbes. Les hauteurs sont ainsi mieux réparties et la variété d’insectes hôtes est plus élevée… ainsi que celle des oiseaux qui s’en nourrissent.

Et bien sûr, dans ces lieux, on peut installer quelques trous remplis de sable grossier, quelques tas de bois et des tas de gîtes et nichoirs.

S’approvisionner

Favoriser les espèces locales est assez simple. On peut déjà observer ce qui germe et pousse naturellement chez soi et le favoriser lorsque celà nous plait et /ou nous semble utile. Ainsi, il vaut mieux replanter un cornouiller qui s’est ressemé tout seul qu’aller en acheter en jardinerie qui sera issu de bouture et qui sera un clone de milliers d’autres. Ensuite, comme il n’est pas question d’aller s’approprier des plants dans la nature, il est possible de contacter des fournisseurs spécialisés. Ecoflora et Ecosem, en Belgique, sont réputés ; le dernier travaille avec des agriculteurs de Wallonie et du Nord de la France pour reproduire des espèces sauvages d’origine régionale certifiée. Il fournit ainsi des semences de prairie pour l’opération « Plantons le décor ».

« Plantons le décor » est une opération lancée chaque année à partir de septembre par Espaces naturels régionaux (ENRx). La campagne, lancée d’abord dans les parcs régionaux de la région, rassemble actuellement 20 territoires partenaires (3 millions d’habitants), avec chacun leur catalogue adapté. Dans la métropole lilloise le partenaire est l’Espace naturel Lille-Métropole (ENLM) qui distribue les catalogues dans les mairies (aussi sur : www.plantonsledecor.fr).

Chaque campagne, depuis 1983, permet de commander parmi 150 arbres, arbustes et fruitiers particulièrement adaptés à notre environnement, fournis par une sélection de pépiniéristes du Nord - Pas-de-Calais, de proposer des mélanges de graines ou des nichoirs, et aussi de fournir des conseils, organiser des stages ou des démonstrations.